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Réflexion sur les langues d'enseignement a l'université

  • louisfilliot
  • 1 mai 2020
  • 6 min de lecture

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Les études à l’international sont de plus en plus plébiscitées et de plus en plus de jeunes étudiants français veulent partir à l’étranger faire leurs études. Les universités françaises, elles, veulent être reconnus internationalement, attirer des étudiants et professeurs étrangers, être réputés, et veulent également attirés les étudiants français toujours plus demandeurs de programmes d’échanges à l’étranger et de cours en d’autre langue que le français.

C’est en effet un besoin et un atout indéniable dans un monde de plus en plus mondialisé où les postes professionnels, notamment dans les domaines de l’ingénierie et du commerce, requièrent des échanges toujours plus nombreux avec l’étranger. En ingénierie, il s’agit d’échanges lors de conférences internationales spécialisées ou de partenariats de recherche avec des universités ou entreprises. En commerce et management, il est évident que la maîtrise de plusieurs langues est un atout, voire une nécessité, pour travailler dans des entreprises présentes dans de nombreux pays.

Face à cette envie d’être présent à l’international, de plus en plus d’écoles françaises, notamment d’écoles de commerce, font le choix d’inclure des cours en anglais, certaines font même le choix du tout anglais. Par une rapide recherche sur le site Campus France répertoriant toutes les formations universitaires françaises, on trouve 374 résultats de programmes délivrant un diplôme de niveau licence ou master dans la catégorie « Business and Management » dont la formation est entièrement donnée en anglais. Ce choix peut sembler simple et logique : l’anglais est la langue internationale la plus apprise au monde, on peut donc attirer plus d’étudiants étranger en offrant les cours en anglais et en même temps mieux préparer nos étudiants français à ce monde international. Il est en fait complétement contre-productif pour la visibilité internationale française et ne fait qu’alimenter un système ou la sélection se fait par l’anglais, cela contribue au cercle vicieux faisant de l’anglais la seule langue internationale et langue d’échange et donc contribue à un système ou un non-anglophone aura toujours un désavantage compétitif face à un anglophone à cause de sa langue maternelle. Voici les principales raisons de cette contre-productivité :

· En proposant des formations entièrement en anglais, on enlève la nécessité pour un étudiant étranger d’apprendre le français. Sur le site même de Campus France, on se vante croyant attirer ainsi plus d’étudiant étranger « Premier pays non-anglophone d'accueil d'étudiants étrangers, la France possède une offre riche de formations enseignées en anglais. Ainsi, il n'est pas nécessaire de parler français pour étudier en France ». Ces étudiants étrangers n’apprennent alors pas ou très mal le français, ils n’ont aucun cours en français. Les étudiants français, pour pouvoir échanger avec eux ensuite dans le monde du travail devront donc apprendre l’anglais, renforçant encore la nécessité de parler anglais. Et pour répondre à cette nécessité on crée des formations en anglais, c’est un cercle vicieux.

· Une formation en anglais n’attire pas plus d’étudiant étranger, elle attire seulement des étudiants venant d’autres pays. L’argument avancé pour le choix de l’anglais est toujours qu’il y’a plus d’anglophones que de francophones dans le monde et que donc plus d’étudiants pourront venir étudier dans l’université. On oublie toujours de mentionner qu’il y a aussi beaucoup plus d’universités anglophones que francophones auxquels les anglophones pourront aller. Ce qui est en fait significatif pour mesurer l’intérêt attractif d’une langue d’enseignement et le nombre d’étudiant susceptibles de pouvoir venir dans l’université, c’est le ratio du nombre de locuteurs de cette langue sur le nombre d’université dans cette langue. Ce ratio est alors bien meilleur pour le français que pour l’anglais : il y a en effet beaucoup d’universités anglophones dans des pays non anglophones et quasiment pas pour l’inverse. En fait, en choisissant comme langue d’enseignement l’anglais on n’attire pas plus d’étudiants étrangers mais on pousse plus d’étudiants allophones à prendre comme langue d’usage et de travail l’anglais. Le même raisonnement peut être appliqué pour les professeurs de ces universités.

· Fournir une éducation dans une autre langue que sa langue maternelle peut être une limitation à l’accès au savoir. On discrimine ceux qui parlent mal anglais en imposant cet obstacle supplémentaire à la compréhension des cours qui est la barrière de la langue. Premièrement, tout le temps passé à comprendre la langue est du temps en moins pour comprendre le contenu de ce que l’on apprend. Bien sûr cela est utile, car permet d’apprendre une langue et les bienfaits du bilinguisme ne sont plus à démontrer mais cela est surtout utile car on a rendu la maîtrise de la langue anglaise indispensable par le biais des deux points précédents. Un anglophone qui suivra un cours en anglais aura toujours un avantage compétitif face au francophone car il ne passera pas de temps à la compréhension de la langue et pourra directement se concentrer sur le contenu. Même si ce temps passé à la compréhension de la langue diminuera avec les années, il est non négligeable. Deuxièmement, en faisant de l’anglais un outil de sélection, on met de côté des personnes qui auraient les qualités professionnelles et personnelles requises pour un poste mais pas les compétences linguistiques. Sans cet outil de sélection, on peut, comme aux États-Unis ou cette sélection n’existe pas, donner un poste au candidat le plus compétent pour ce poste. Encore une fois, c’est un avantage concurrentiel qu’ont les entreprises anglophones : leurs dirigeants sont simplement les plus aptes et les plus compétents alors qu’en France on crée en plus le besoin que ces dirigeants sachent bien parler anglais et on se prive donc des autres.

· On oublie aussi souvent qu’en apprenant entièrement en anglais, on n’apprend pas en français tout bêtement ! Ainsi, si l’on veut ensuite travailler dans un pays francophone, on a amélioré sa maîtrise de l’anglais mais pas celle du français, on n’a pas appris les termes techniques de son domaine en français ni entrainé sa rédaction, son orthographe et son vocabulaire qui sont nécessairement moins bon que si l’on avait pris des cours en français

La solution que je préconiserais pour pallier aux différents points négatifs susmentionnés serait d’imposer dans toute université ou école française un minimum de 50% des cours d’un programme en français. Les autres pouvant éventuellement être dans une autre langue, notamment pour les écoles comportant de nombreux échanges avec des universités étrangères. Ces cours dans une autre langue pourraient être de préférence en première partie de cursus et les cours en français en deuxième moitié de cursus Le bénéfice serait alors double, pour les étudiants français et pour les étudiants étrangers :

· Les étudiants étrangers pourraient durant leur première année d’étude avoir des cours dans une langue qu’ils connaissent mieux, ils n’auraient donc pas peur de venir en France face à cette langue si ils ne la connaissent pas, d’où un attrait encore plus grand des universités françaises. Ils pourraient durant cette année commencer à étudier le français par immersion dans le pays et avec les étudiants français. En fin de cursus ils auraient des cours en français qui leur permettraient de parfaire leur apprentissage du français et de favoriser leur intégration professionnelle en français ensuite.

· Les étudiants français pourraient avoir des cours dans une langue étrangère durant leur première moitié de cursus, ce qui leur feraient apprendre une langue et les prépareraient dans le cas d’un échange ou double diplôme dans une université étrangère dans cette langue ensuite. Si ils restent en France pour la fin de leur cursus et leur spécialisation, ils maîtriseraient davantage l’usage et le vocabulaire français propre à leur discipline.

En fait, dans cette envie d’internationalité, on oublie souvent qu’être apte à partir à l’étranger et à avoir des échanges avec l’étranger ne signifie pas parler anglais mais parler plusieurs langues étrangères en général. Pour attirer plus d’étudiants étrangers il ne faut donc pas imposer que des cours en anglais mais en proposer dans plusieurs langues, par exemple en France en proposer en anglais et en français. Plus d’étudiants seraient alors susceptibles de venir. Je salue ainsi l’exemple de HEC Montréal qui propose des programmes trilingues, français anglais et espagnol.

Il y’a des universités prestigieuses à l’étranger enseignant en français, espagnol, portugais, chinois, japonais… Je ne suis pas du tout pour que les français ne sachent parler que le français. Dans l’idéal, j’aimerai que chaque langue soit apprise plus ou moins proportionnellement au nombre de locuteurs de cette langue et que ainsi les étudiants français puissent aller dans ces universités dans tous les pays. En n'apprenant que l’anglais, on favorise un monde où seul l’anglais vaudrait la peine d’être appris. La définition de quelqu’un ou quelque chose d’international, c’est justement qu’il est constitué de plusieurs langues et cultures, ce qui est en fait tout le contraire de l’uniformisation culturelle par l’anglais. Il y’a quelque chose d’absurde à s’être persuadé par nous-mêmes du contraire, à que les français eux-mêmes favorisent un système ou leur langue serait moins utile et moins valable que l’anglais. Ce ne sont pas les anglophones qui nous imposent ce système mais les français qui se l’imposent eux-mêmes contribuant eux-mêmes à la perte d’intérêt, d’utilité et d’attrait de leur langue !

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