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Primum Non Nocere : Et si on commencait par ne pas nuire ?

  • louisfilliot
  • 1 mai 2020
  • 4 min de lecture

Primum non nocere est une locution latine qui viendrait d’Hippocrate et qui signifie “en premier ne pas nuire” ou encore “d’abord ne pas faire de mal”.

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C’est l’un des principaux principes enseignés aux étudiants en médecine, il consiste à dire qu’il faut améliorer la condition du patient et que pour cela la première chose à faire est de ne pas empirer sa condition, ce qui briserait sa confiance. Et ce même si l’on espère qu’avec cette première action un bien plus grand est espéré. Cela signifie qu’il vaut mieux ne rien faire que de faire quelque chose qui risquerait de ne pas apporter le bien escompté ensuite, auquel cas on aurait seulement nuit, pour rien ! Cette loi va à l’encontre des conceptions philosophiques de Machiavel selon lesquelles “la fin justifie les moyens” et qu’ “un mal pour un bien” est quelque chose de souhaitable. Au delà de ce grand débat philosophique, digne d’une dissertation de philosophie classique, on comprend que si le bien escompté n’est même pas certain et automatique mais seulement espéré et idéologique, alors on nage en plein masochisme. Cette introduction établie, venons-en donc maintenant au sujet, et au rapport avec l’image de couverture. La constatation que nous allons développer ici est que, sur nombres d’aspects, l’idéologie libérale commence par une action qui est objectivement un mal, mais qui est justifié par l’espoir d’un bien supérieur escompté. Sauf que ce bien supérieur est espéré de manière idéologique et dogmatique mais n’a rien de certain, d’automatique, ni de vérifié empiriquement. Bien souvent, nous attendons encore ce bien supérieur, cette justification à la réforme, au serrage de ceinture, aux coupures budgétaires... A cette façon de faire, nous répondons donc simplement : Primum non nocere ! Donnons donc quelques exemples où la méthode libérale supposée apporter un bien supérieur ultérieur, n’a eu comme seul conséquence le mal initial apporté :

  • On commence par supprimer l’ISF, laissant plus d’argent aux riches et moins aux caisses de l’état. La justification libérale : le supplément apporté sera investi, créera de l’emploi et donc tout le monde en profitera ! Ce qu’il se passe en réalité : les inégalités continuent de grandir et le supplément de fonds chez les contribuables de l’ISF n’est investie que très partiellement, une grande partie allant en accumulation de capital ou de patrimoine, ou en évasion fiscale. Une plus grande partie de ce capital aurait été investi par une caisse d’investissement publique, ou aurait été dépensé dans l’économie réelle par la population normale qui dépense tout ce qu’elle gagne. Rappelons ce petit adage : nous dépensons ce que nous gagnons alors que les ultra-riches gagnent ce qu’ils dépensent (leurs dépenses sont des placements qui leur rapportent encore plus au final).

  • On casse le code du travail. La justification libérale : toujours la même, cela créera de l’emploi. Ce qu’il se passe en réalité : le chômage ne diminue pas, la précarité et les mauvaises conditions de travail augmentent.

  • On surveille davantage les chômeurs et les pénalise si ils ne cherchent pas de travail. La justification libérale : ils chercheront du travail plus efficacement et donc en trouveront et le chômage diminuera. La réalité : 1 offre d’emploi pour 300 chômeurs en moyenne, on comprend facilement que le problème est plutôt à chercher du côté du déficit d’emploi, retirer les indemnités ne les aidera pas à trouver un emploi mais plongera beaucoup de chômeurs dans une situation de pauvreté encore pire.

  • On repousse de plus en plus l’âge de la retraite. La justification libérale : le supplément de cotisation ainsi enregistré permettra de payer convenablement les retraites à une population à l’espérance de vie toujours plus longue. La réalité : le nombre d’emplois ne changeant pas, on constate une augmentation du chômage des personnes âgées. On remplace donc des jeunes retraités actifs et dynamiques qui aidaient leurs enfants et petits-enfants par des chômeurs dans la précarité ou des travailleurs âgés, ce qui est plus dur pour leur santé. L’espérance de vie en bonne santé diminue donc et les frais pour la sécurité sociale augmentent.

  • On diminue certains remboursements de la sécurité sociale. La justification libérale : les économies faites permettront de rembourser la dette de la sécurité sociale et donc de continuer de rembourser le reste. La réalité : de plus en plus de personnes qui ne se soignent pas ou hésitent longtemps avant de se soigner, ce qui engendre des coups médicaux plus importants a posteriori, par rapport à la prévention ou à la prise en charge rapide d’une maladie. Sans compter le coût que représente une population en moins bonne santé et donc moins heureuse, moins productive...

  • On intervient militairement et bombarde un pays pour faire tomber son dirigeant. La justification impérialiste : cela permettra de mettre en place un meilleur gouvernement ( selon nos propres critères, pas ceux du peuple concerné) et donc une meilleure situation pour ce peuple. La réalité : la situation est souvent pire après l’intervention militaire qu’avant comme on le voit notamment en Lybie. De manière générale, on ne peut pas imposer sa conception d’un “bon gouvernement”, notion qui est subjective.

  • On retire des avantages sociaux (congés, heures de travail, rémunération, travail de nuit, du dimanche, normes de sécurité...). La justification libérale : la baisse du “coût du travail” permettra un surcroît de compétitivité, donc une croissance de l’entreprise, des emplois... La réalité : comme tous les compétiteurs étrangers ou français font le même raisonnement, les gains de compétitivité s’annulent. On obtient simplement la perte de nos avantages sociaux.

La liste pourrait être continué comme cela très longtemps et je vous invite à y réfléchir, quasiment toutes les mesures libérales comportent cette notion : un mal, un effort certes mais pour un bien futur espéré plus grand. Sauf que le lien de cause à effet entre le mal initial et le bien futur n’est qu’une théorie parmi de nombreuses autres, théorie dont la vérification est largement contestable, alors pourquoi prendre ce risque de d’abord nuire ? Ne serait-ce pas le moment, d’appliquer en politique le principe Primum non nocere ? Comme en médecine ou Hippocrate recommandait de ne pas nuire pour ne pas briser la confiance du patient, en politique c’est la confiance du citoyen en tout le système de notre république que nous sommes en train d’ébranler...

1 commentaire


Nicolas de Genot
Nicolas de Genot
02 mai 2020

Excellent Louis!

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